23.03.2021

Interstice

Interstice

Suspendu.

Je viens de vivre un instant suspendu.

Étrange comme le présent fait écho à un hier, mais dans un sens totalement renversé.

Il y a 5 déjà je m’attachais à étudier un sujet ardu de géographie pour la préparation de mon concours du CAPS. Le sujet s’intitulait « la France des marges ». Bien difficile d’en capter le sens profond pour n’importe qui, meme connaisseur.

Mais j’avais adoré la complexité du sujet, cette façon de regarder l’espace en négatif, de scruter les espaces vides, délaissés, cachés, cloisonnés…

Je viens d’en vivre un bon exemple de « marge », celui d’une portion de la petite ceinture du 14e entre les stations de tram Didot et porte d’Orléans. Une interstice du périurbain, confidentielle donc, réservée aux riverains et aux curieux.

J’ai un peu honte d’ailleurs. Finalement jusque là je n’avais été ni l’un ni l’autre.

Moi, parisienne d’adoption depuis plus de 10 ans, moi l’ancienne étudiante passionnée de patrimoine urbain et de géographie urbaine je n’avais osé m’y aventurer, n’y même géolocaliser ce lieu sur google map.

Jusqu’à aujourd’hui.

Moi dont le 14e arrondissement représente mon point d’ancrage dans cette ville éclectique, je découvre un lieu fabuleux des années après avoir franchi pour la première fois la porte de ma première résidence, mon foyer pour jeunes filles.

Comme si j’avais trouvé un trésor secret.

J’ai descendu les marches grillagées donnant accès aux anciennes rails et je me suis propulser dans un autre monde...

Calme, de silencieux.

On entend presque que les oiseaux.


Les marcheurs sont rares et on peut enfin se sentir seul au coeur de la métropole.

Cette vision d’un paysage presque post-apocalyptique où l’urbain s’arrange avec une nature qui a repris un peu plus ses droits me parle et je l’écoute. C’est une sorte de sous-bois urbain. Le métal, la terre, la pierre et la végétation s’accordent pour entretenir une atmosphère sereine, poétique.

Les grafs viennent apporter la touche de couleur, la patte humaine qui en aucun cas ne dénote mais participe bel et bien à son identité singulière et insolite.

Bien plus encore aujourd’hui j’aime fuir la foule, je pense souvent à ma balade d’enfance sur les bords de Loire où les rencontres se font rares, comme si ce lieu n’appartenait, pour un temps au moins, qu’à nous.

Ici la nature appartient à bien plus de monde, impossible de s’évader au parc Monsouris qui grouille de monde lorsque les rayons luisent… et l’on s’entasse jusqu’à ne plus voir la moindre touffe d’herbe.

Aujourd’hui les interstices sont des trésors bien plus précieux qu’avant la crise, on les cherche pour s’y réfugié, pour se reconnecter à sa vitalité, pour s’entendre penser, pour fuir la réalité.

C’est décidé, c’est déjà mon nouvel endroit préféré de liberté.

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